Sauver le secteur culturel en péril et le patrimoine français menacé.
Mehdi BELHAJ-KACEM
Mehdi Belhaj Kacem est philosophe et écrivain.
Il nait en 1973 à Paris, mais son enfance se déroule en Tunisie jusqu’à l’âge de treize ans. Il va à l’école ministérielle tunisienne et sera arabophone jusqu’à huit ans, n’apprenant le français que par la suite. Suite à une opportunité professionnelle saisie par son père informaticien tunisien (sa mère est française), il arrive en France à l’âge de treize ans où il écrit, dès l’adolescence, son premier roman, Cancer, publié en 1994 par les éditions Tristram en même temps que 1993, chronique d’un moment dramatique de son existence. La critique remarque vite cet auteur qui « transforme l’essai » en 1996 avec Vies et Morts d’Irène Lepic, description romanesque de la jeunesse prolétaire à la dérive des années quatre-vingt-dix. Sa réédition en poche en 2017 reçoit un accueil hagiographique, la critique y saluant l’un des romans français les plus accomplis des années quatre-vingt-dix. Suit en 1997 L’antéforme, où certains critiquent décèlent, malgré le formalisme littéraire extrême du livre (phrases rapides et très longues, surcharges, inflations d’italiques, etc.), une tentation « théorique » qui se réalisera effectivement trois ans plus tard. Ce livre lui vaudra, entre autres, d’être classé parmi les vingt-cinq auteurs-fétiches du quotidien Libération pour le hors-série commémoratif de ses vingt-cinq années d’existence.
Il fonde en 1998 avec quelques amis artistes (la romancière Chloé Delaume, le cinéaste Adrien Smith) le collectif et la revue Evidenz qui se proposent, à l’âge du numérique et du virtuel, de remplacer les formes de la narration et de la figuration par celles du jeu. L’expérience collective se vit donc comme une sorte de « jeu grandeur nature », qui donnera par la suite plusieurs récits, films et ouvrages théoriques. Elle croisera pendant presque une année, jusqu’à quasiment fusionner, le collectif post-situationniste Tiqqun dont le leader, Julien Coupat, deviendra plus tard célèbre dans les conditions que l’on sait (« l’affaire Tarnac », le « Comité invisible », « L’insurrection qui vient », etc.).
Mehdi Belhaj Kacem publie donc alors ses premiers objets théoriques, Esthétique du Chaos et Society en 2000 et 2001 qui, relatant l’expérience d’Evidenz, annoncent un tournant plus profond, un tournant « philosophique », surtout décelable dans Society. Il découvre la même année l’œuvre philosophique d’Alain Badiou avec L’être et l’événement (Seuil, 1988) auquel il consacre un séminaire « privé ». L’effet principal, sur son travail, de la rencontre avec l’œuvre et la personne d’Alain Badiou (qu’il contribuera à rendre médiatiquement célèbre, et avec qui il travaillera intensément pendant huit années) est de le persuader que la philosophie est à nouveau possible, et non plus seulement des objets théoriques posthumes à la « Mort de la philosophie », entérinée par le situationnisme comme par la déconstruction, influences principales de la première période de son parcours théorique. De ce travail naîtront deux essais, Evénement et Répétition et L’affect, en 2004. Ce sont des work in progress qui annoncent ce qui sera son premier livre « achevé » de philosophie, Ontologique de l’Histoire, paru chez Fayard en 2009 et qui assoit définitivement dans le « paysage » de la philosophie contemporaine cet autodidacte d’extraction non-universitaire.
Entre-temps, 2006 marque sa rencontre avec les éditions Gallimard, chez qui il publie La psychose française, ensemble de considérations sur les émeutes de banlieue de novembre 2005, qui rencontre un vaste écho de la part des médias. 2011 aura marqué l’année de sa rupture avec Alain Badiou, après presque dix années d’intense amitié et travail en commun. Cette rupture, d’ordre aussi bien éthique que politique, esthétique que métaphysique, peut trouver dans ses causes profondes un parallèle, en gardant là encore le sens des proportions, dans la rupture de Nietzsche avec Wagner. Le livre faisant part de cette rupture, Après Badiou, paru aux éditions Grasset, rencontrera un écho considérable, et suscitera de très vives polémiques dans les médias ainsi qu’à l’Université.
Pour 2012, Mehdi Belhaj Kacem achève un petit essai sur l’opéra. En 2013, il fait paraître un livre « révolutionnaire », achevé de longue date, sur la « nature » de la sexualité féminine, et sur les liens philosophie/sexualité : Être et Sexuation. En 2015, il est lauréat de la Villa Médicis, pour la traduction des Triomphes de Pétrarque, le livre de poésie sans doute le plus lu et le plus influent en Europe du XIIIe au XVIe siècle et pourtant introuvable en traduction française depuis plus d’un siècle.
2020 sera l’année de la parution, aux éditions Diaphanes, de son opus magnum philosophique, Système du pléonectique. L’auteur y a veillé, s’inspirant de Schopenhauer, Marx ou Nietzsche, à ce que la technicité très poussée du propos philosophique n’y soit pas obscurcie par le jargon trop fréquent qui mine la philosophie depuis deux siècles, à travailler par conséquent sur un style transparent qui permette qu’une philosophie exigeante puisse s’adresser au plus grand nombre.