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ACTUALITÉTransition démocratique

Raul Magni-Berton répond au Conseil constitutionnel

 

Plus on demande de la démocratie, et plus on s’en éloigne.

Depuis quelques jours, le gouvernement peut faire la loi.

 

De la crise des Gilets jaunes à la crise sanitaire, notre gouvernement se distingue par son autoritarisme : mesures d’urgence ou liberticides, utilisation de la police contre ses opposants politiques, et des ordonnances à répétition qui permettent de gouverner en ignorant le parlement. Nous sommes devenus le pays le plus autoritaire d’Europe de l’Ouest, celui où le pouvoir exécutif va le plus loin dans le mépris du parlement, des institutions de contre-pouvoir et des contestations des citoyens. Nous sommes devenus la Hongrie de l’Europe de l’ouest.

Le Conseil constitutionnel vient certes de censurer la tristement célèbre loi Avia, mais sa décision rendue le 28 mai dernier illustre bien deux choses : d’une part, la volonté du gouvernement et du président d’outrepasser les limites pourtant tenues que les institutions lui imposent ; d’autre part, le fait que notre constitution, en l’état, ne nous protège pas assez contre cette possible dérive.

Une ordonnance est une mesure prise par le gouvernement. Par rapport à une loi, l’ordonnance a moins de valeur : en cas de conflit, le parlement l’emporte sur le gouvernement. Ce point est au cœur de tout système républicain : un gouvernement peu représentatif, mais apte à prendre rapidement des décisions doit avoir moins de pouvoir qu’une assemblée plus lente, mais aussi plus légitime. S’il avait le même pouvoir, il l’emporterait toujours grâce à sa plus grande rapidité et le système deviendrait une dictature disposant d’un parlement, à l’image de la Syrie ou du Maroc.

C’est justement pour éviter cela que l’article 38 de la Constitution limite l’impact de l’ordonnance par deux moyens :

  1. Le gouvernement ne peut produire des ordonnances que s’il y est autorisé par le parlement pendant une durée limitée.
  2. Les ordonnances « deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation». Autrement dit, les ordonnances ont une durée de vie limitée en tant que telles, et doivent devenir loi pour survivre.

Malheureusement, un troisième alinéa de l’article 38 vient contredire ce qui avait été dit dans le second alinéa : « À l’expiration du délai (…), les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif ».

La question est donc : après un délai, les ordonnances deviennent-elles caduques ou deviennent-elles des lois ? Elles ne peuvent certes pas devenir les deux en même temps, et pourtant l’article 38 dit à la fois une chose et son contraire.

La tâche du Conseil constitutionnel s’avère donc ardue face à un texte contradictoire. En même temps, ce conseil hérite ainsi d’un grand pouvoir puisqu’il peut trancher librement, sans être excessivement contraint par les textes.

Il y a dix jours, le Conseil constitutionnel a donc tranché en faveur de la deuxième interprétation. Une ordonnance va donc devenir l’équivalent d’une loi. Par conséquent, nous sommes encore protégés d’une dictature par l’alinéa 1 (il faut l’autorisation du parlement), mais c’est tout.

Désormais, le gouvernement a la possibilité de légiférer. Il n’y a pas d’équivalent chez nos voisins européens.

En soi, l’interprétation du Conseil constitutionnel n’est pas erronée. Le texte a même été pris à la lettre : il suffit que le gouvernement dépose un projet de loi avec le texte de l’ordonnance pour que celle-ci ne soit pas caduque. Mais déposer un texte n’est pas le voter.  Le gouvernement peut donc déposer un texte qui, sans qu’il soit voté par le parlement, devienne loi malgré tout.

Qui est responsable de cette absurdité ? Notre constitution est de toute évidence mal écrite et ne nous permet pas de nous protéger suffisamment contre les dérives autoritaires de notre pouvoir exécutif.

Avec l’équipe du ministère de la transition démocratique, nous souhaitons précisément proposer des pistes pour éviter ce genre de dérive. Nous voudrions que les décisions prises par tout le monde – lors d’un référendum – valent plus que celles prises par une assemblée de représentants. Et, à leur tour, que les décisions des assemblées de représentants aient plus de valeur que les décisions du gouvernement. De ce fait, les mesures prises dans l’urgence ne pourront devenir des mesures durables, et aucune mesure durable ne pourra être prise dans l’urgence.

 

Pour Le Gouv,

Raul Magni-Berton, ministre de la Transition démocratique.

 

 

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