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Pourquoi l’Outre-Mer a intérêt au Frexit

 

Par Deivy Mugerin, ministre de l’Outre-Mer du Gouv

 

Loin de permettre aux départements d’outremer français de bénéficier d’un essor économique et social, l’Union européenne aggrave ses handicaps en les plongeant dans un cercle régressif.

À mesure des années qui passent, l’aventure européenne des territoires d’outre-mer français semble relever davantage du calvaire que du rêve enchanté promis par les hiérarques bruxellois depuis Maastricht en 1992. La reconnaissance dans les traités européens d’un statut particulier de région ultra périphérique (RUP), où le droit européen s’applique avec quelques légers aménagements ne change rien à l’affaire pour la Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte. Si les autres territoires ultramarins (Nouvelle Calédonie, Polynésie, Saint-Barthélemy, Terres Australes et Antarctiques) bénéficient d’un régime propre où le droit européen ne s’applique pas, tous pâtissent structurellement de l’ombre bruxelloise.

Les difficultés tiennent à différentes raisons.

D’abord, l’éloignement des centres décisionnels de Paris à Bruxelles a pour conséquence de reléguer en bas des priorités (des vingt-sept pays européens) les questions relatives à ces départements, et pire d’être traitées par des personnes qui n’entendent rien aux particularités et à l’histoire de ces territoires.

À cela s’ajoute la difficulté de peser sur les décisions sauf à recourir aux courbettes et autres compromissions. Le maintien de l’octroi de mer, sorte de taxe douanière propre aux départements d’outremer en est un exemple manifeste. Il a fallu négocier inlassablement pour obtenir un sursis à son maintien jusqu’en 2025. Quel déshonneur pour un grand pays comme la France d’en être réduit à cette servitude volontaire.

CE QUI EST DONNÉ D’UNE MAIN EST REPRIS DE L’AUTRE

Les principales réponses apportées par l’Union Européenne aux difficultés de développement de ces territoires sont le saupoudrage de subventions comme celles du FEDER (Fonds de développement régional) ou POSEI (Fonds Agriculture) en espérant qu’elles permettront de rattraper le retard. Elles ne font en réalité que maintenir une économie de rente qui entretient le clientélisme et profite bien souvent qu’aux plus gros puisque les subventions sont fonction de la taille des exploitations en matière agricole par exemple.

Mais ce qui est donné d’une main est repris de l’autre, puisque la foi rabique dans le libre-échange intégral est l’un des marqueurs de l’Union Européenne. La signature des traités de libre-échange concomitamment à la fin du tarif extérieur et aux quotas a contribué à déverser des produits à bas coûts dans ces départements. Ceci a entrainé un effet d’éviction en défaveur de la production locale. C’est ainsi qu’entre 2007 et 2012 dans le cadre de l’accord ACP-UE, l’Union Européenne a investi 30 millions d’euros dans la filière banane du Surinam pour lui permettre d’exporter vers… l’Union Européenne. « Les exportations de bananes du Surinam vers l’Union sont ainsi passées de 57 615 tonnes en 2009 à 70 437 tonnes en 2010 »[1]  aboutissant à une baisse des prix et fragilisant les quelques filières locales. Un autre exemple kafkaïen :  « l’Union européenne permet la commercialisation sous le label bio des bananes de la République Dominicaine qui ne correspondent pas aux mêmes critères du bio tel que défini par la réglementation européenne ».

Ce libéralisme ruine le développement de l’Outre-mer faute de protection des producteurs locaux qui sont alors en concurrence frontale avec le monde entier.

Le domaine spatial n’est pas épargné par les errements européens. La base spatiale de Kourou en Guyane connaît de sérieuses turbulences car elle subit de plein fouet la concurrence américaine de Space X capable de réutiliser en partie les lanceurs et de proposer des prix très attractifs des vols commerciaux contrairement à Ariane 6. La lourdeur technocratique, l’idéologie anti-industrielle de l’Union Européenne et l’obstruction de pays membres ne disposant même pas de réelles capacités spatiales ont eu raison de l’avance, qu’avait encore il y a une décennie Arianespace. La déloyauté de l’Allemagne qui commande des lanceurs américains Falcon 9, pour des satellites gouvernementaux n’arrange rien aux difficultés. Or pour rattraper son retard, Arianespace aurait besoin d’un budget plus important, ce que refuse la Commission Européenne qui le limite à 3 milliards alors que le budget américain frôle les 40 milliards et celui des Chinois 10 milliards.  Pas étonnant que Thomas Pesquet n’ait pas décollé de la base spatiale de Guyane à bord d’une fusée Ariane 6. En vérité, la France seule peut porter une stratégie de puissance et d’indépendance qui entraînera ses partenaires volontaires avec le soutien de l’opinion publique !

Que dire des normes aussi absurdes que tatillonnes qui complexifient la vie inutilement ? Ne pouvant techniquement raffiner des pétroles trop lourds à cause des normes européennes, les Antilles-Guyane ne peuvent importer des pétroles issus de l’espace géographique proche, notamment du Venezuela ou des Caraïbes, et doivent donc s’approvisionner en Mer du Nord.[2] De quoi renchérir le prix à la pompe et alimenter la vie chère. Les grandes manifestations de 2009 dans les départements d’outre-mer avaient été déclenchées par une augmentation du prix de l’essence.

Ces prix élevés sont entretenus par une monnaie trop forte : l’euro, qui joue un rôle considérable dans la spirale inflationniste et contribue de facto à appauvrir les classes moyennes. Qui plus est, la cherté de la monnaie rend très difficile les exportations dans les pays limitrophes au niveau de vie nettement inférieur, ce qui crée les conditions du chômage et de la précarité. Le serpent se mord la queue. Ceci est vrai y compris pour des territoires comme la Nouvelle Calédonie qui dispose du Franc Pacifique adossé à … l’euro.   L’outil monétaire n’est donc pas adapté aux besoins de ces territoires et les tours de vis austéritaires n’ont fait qu’accroître les inégalités tout en détruisant les services publics. L’euro condamne à la stagnation économique.

La cohésion sociale est aussi minée par les questions de la drogue notamment aux Antilles et en Guyane. Ces territoires faisant partie de l’espace Schengen et étant proches des pays producteurs de drogue, ils constituent des fenêtres ouvertes pour des trafics de stupéfiants et une solution de facilité pour une jeunesse confrontée au chômage de masse.

En définitive, l’Outre-mer a donc intérêt au Frexit pour sortir de l’impasse libérale sauvage dans laquelle l’Union européenne la plonge sans jamais résoudre les difficultés persistantes déjà présentes dans ces territoires.

 

Vive le Frexit !

 

[1] https://www.senat.fr/rap/r12-378/r12-378_mono.html#toc89

[2] https://la1ere.francetvinfo.fr/oseberg-norvege-petrole-brut-antilles-guyane-vient-du-froid-decryptage-649106.html

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